Qu’est-ce que le Zen?

Le « Zen », cette expression japonaise si bien connue, se traduit en français par le mot « méditation », « dhyana » en sanscrit, « tchan » en chinois, « samtem » en tibétain, « thiên » en vietnamien et « sôn » en coréen. La méditation silencieuse s’actualise par la pratique de la méditation assise ou le « zazen », terme tout aussi japonais qui est composé de deux caractères qui expriment l’action de s’asseoir « za » en méditation « zen », soit « seulement, simplement ou juste s’asseoir » tel quel, dans une attitude d’absorption, de contemplation, voire de recueillement.

L’origine de ce chemin spirituel, celle du zen, vient d’un homme d’exception qui vécut en Inde au Ve siècle avant Jésus Christ, Siddhartha Gautama. Appelé le Bouddha, peu après sa réalisation, son enseignement s’est diffusé et transmis à travers plusieurs pays d’Asie (Indes, Indonésie, Vietnam, Tibet, Chine, Japon, Corée, etc.) et plus récemment au cours du siècle dernier, en occident; l’Europe et l’Amérique.

En général, le « Zen » définit un ensemble d’écoles bouddhistes du mahâyâna au Japon, dont entre autres, l’école Soto Zen. Dans l’histoire et la pratique du Zen, il y a là aussi, comme dans tout chemin d’Éveil, l’Homme dans toute sa complexité et son humanité; avec ses espoirs et ses illusions, ses certitudes et ses doutes, ses désirs et ses refus, ses blessures, ses vulnérabilités et ses fragilités; ses écoles, ses disciples et ses maîtres.

Pourtant, depuis Bouddha Shakyamuni (Ve siècle avant J.C.) jusqu’à ce jour toute une lignée d’hommes et de femmes a confirmé et actualisé ce chemin d’Éveil, souvent même dans l’anonymat le plus complet. Certains maîtres ont usé de stratagèmes et de méthodes parfois des plus excentriques pour que l’on puisse réaliser l’Éveil. Cependant qui que l’on soit; sot ou intelligent, de toutes cultures ou croyances, sur ce chemin d’Éveil on entre et s’engage avec notre vie entière, avec notre corps et notre esprit du moment, tel quel, en abandonnant ce corps et cet esprit qui est le nôtre, en toute confiance, d’instant en instant. C’est une « pure réflexion de soi-même en soi-même par soi-même »*, là dans cette intimité de notre propre corps-esprit qui est pratiqué par la méditation, par l’esprit d’Éveil (bodaishin).

Fondamentalement sur ce chemin d’Éveil, la pratique de la méditation assise, le «zazen» en révèle toute la saveur et la simplicité. S’éveiller pour le zen, l’école Soto Zen, c’est pratiquer « la simple assise » dans la seule présence de ce qui est, « le tel quel », dans une attitude d’ouverture inconditionnelle et de don total, de moment en moment, en se dépouillant de son corps et son esprit (shinjin datsuraku). Cette pratique est aussi appelée « seulement s’asseoir » ou « shikantaza »; juste dans l’assise, avec détermination, sans aucune attente, dans une écoute silencieuse, une pure présence; sans vouloir acquérir quoique ce soit, sans but ni profit personnel  ou « mushotoku » en japonais; sans saisir, rejeter ou poursuivre toutes pensées, sensations, émotions ou perceptions. Par cette pratique, l’étonnement, la plénitude, la bienveillance, l’équanimité, la joie et la sagesse s’actualisent d’eux-mêmes. Il n’y a plus de séparation entre soi, l’autre et l’Univers.

Dans cette assise silencieuse, ce sont les phénomènes ou « les dharmas » qui nous pratiquent. C’est l’Univers entier qui se réalise de moment en moment. Tous les phénomènes sont « à leur juste place, rien n’est à changer, rien n’est à déplacer ». Les dharmas sont laissés là, à eux-mêmes, sans les prendre ni les rejeter; on les laisse passer comme nuage dans le ciel. On délaisse toutes notions de vérité, de vues fausses ou erronées. La méditation silencieuse est une voie directe et sans détour qui donne accès à la réalité telle quelle. Il n’y a rien donc à rajouter, à retrancher, à rechercher, à acquérir. C’est dans cette ouverture de « shunyata » ou de la vacuité, juste là, d’instant en instant que nous réalisons la nature de Bouddha, notre véritable nature. Comme l’exprime Gudo Wafu Nishijima : « on réalise la nature telle qu’elle est, l’Univers tel qu’il est, le réel tel qu’il est et nous-mêmes tel que nous sommes ». C’est une rencontre intime de la réalité, là où l’on réalise la non-substantialité, l’impermanence et l’interdépendance de toutes choses. C’est plonger au cœur de notre propre humanité, sans appui, dans la foi en l’esprit de la non-demeure par la « simple assise », le zazen.

Sur ce chemin, la pratique de la méditation assise et marchée est comme l’action de tous nos gestes quotidiens, l’occasion d’actualiser la voie des Éveillés. Il n’y a aucune séparation entre la méditation assise et nos actions de tous les jours. La méditation et nos activités quotidiennes sont inséparables, mutuellement interdépendantes, il y a là le plus spirituel de l’Homme. Par cette pratique méditative, un esprit vaste et spacieux, joyeux et bienveillant permet de s’harmoniser avec l’Univers en s’accordant avec le cours des choses; de mieux éprouver et comprendre les causes de la souffrance humaine; de s’éveiller afin de libérer les êtres sensibles de leurs propres illusions, obstructions ou vues erronées, et de voir la réalité telle qu’elle est. Cette attitude donne accès à cette véritable liberté nécessaire à l’épanouissement de chaque être sensible et de s’harmoniser avec l’Univers.

L’esprit d’Éveil (Bodaishin) qui s’actualise de cette assise silencieuse, le zazen, n’appartient à personne, à aucune culture ou tradition spirituelle, mais ils ont tous la possibilité d’en exprimer la quintessence et l’enseignement à partir de leur réalité propre. Par conséquent, comme l’affirme Tetsugen Bernie Glassman, soyons des « faiseurs de paix » pour les autres et soi-même, de véritables témoins et acteurs vivants de l’expérience humaine. Jiun Éric Rommulère nous dirait sans aucun doute que « l’éveil s’initie dans l’ouverture du cœur, il s’établit dans la tendresse des Bouddhas, et il trouve son aboutissement dans l’habileté à être vivant ».

Voyez voyez! Soyez soyez!
Juste ici, juste ainsi!

Benoît Koya Senécal, moine zen

* Expression prise au sens de la science physique comme la « réflexion » de notre visage originel ou d’un objet sur la surface d’un miroir, d’un lac calme. Il s’agit donc ici d’une pure réflexion de nos pensées, nos sensations, nos perceptions et nos émotions; sans saisie, ni rejet, ni poursuite; juste là dans l’esprit de la non-demeure, dans la pure présence.

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